Simone est allée voir le documentaire « Et les mistrals gagnants » qui suit le quotidien d’enfants gravement malades. La question se pose : est-elle complètement cinglée à vouloir s’infliger des trucs pareils ? Levons le mystère d’entrée : la réponse est non.

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Les infertiles sont confrontés plus immédiatement que les autres à leur propre finitude. D’abord, parce que les années d’attente angoissée dans les couloirs des hôpitaux laissent le temps d’intellectualiser à loisir ce qui pour d’autres relève de l’évidence naturelle. Ensuite, parce que le temps qui passe compte double quand les aiguilles de l’horloge biologique s’affolent. Enfin, parce que lorsque l’on sort de la PMA les bras vides (ou que l’on se prépare potentiellement à cette situation), il s’agit de faire preuve de créativité pour donner un sens à sa vie.

Le fait de transmettre des valeurs, des souvenirs, une mémoire à un enfant qui serait le mien est très important pour moi. Le risque de disparaître de cette terre sans un petit être pour prolonger ma lignée m’angoisse profondément. Je précise ici que les gènes n’ont aucune importance pour moi, qu’il pourrait tout autant s’agir d’un enfant adopté. (L’adoption ne fait pas partie de mes projets, mais c’est un autre débat).

Or, je sais bien par mon expérience et mes lectures que devenir parent suscite aussi la peur fondamentale de perdre son enfant. Dans l’échelle des malheurs, cette perte occupe une belle place sur le podium.

Lorsqu’il m’arrive de réussir à me projeter en tant que mère, je perçois de manière très aiguë dans le même temps cette peur, de manière quasi animale. Peut alors affleurer cette pensée : à quoi bon me donner/faire autant de mal pour réussir à devenir mère si c’est ensuite craindre de perdre mon enfant ?

Le mieux est d’affronter ses peurs pour mieux les apprivoiser et vivre avec plus sereinement.

Je suis donc allée voir ce documentaire « Et les mistrals gagnants » de Anne-Dauphine JULLIAND qui filme des enfants gravement malades dont certains vont mourir et sont tout à fait conscients de cette fin prochaine. La réalisatrice a malheureusement été concernée personnellement par ce drame. C’est en l’écoutant à la radio que j’ai eu envie de découvrir son film, elle a eu cette phrase que je trouve très profonde d’humanité et de sérénité : « Il faut ajouter de la vie aux jours, lorsqu’on ne peut plus ajouter de jours à la vie. »

C’est seule que je me suis rendue au cinéma, en m’achetant un paquet de bonbons (ce que je ne fais JAMAIS car le bruit des papiers m’horripile et aussi parce que j’évite de manger des cochonneries). Le côté régressif des bonbecs m’a servi de bouclier pour mieux affronter le sujet du film.

Le film est à hauteur d’enfants, les parents sont parfois visibles mais ne sont pas particulièrement interrogés, contrairement aux frères et sœurs. Les enfants présentent les événements factuellement, sans questionner la justice ou l’injustice de ce qui leur arrive, puisque la maladie fait partie intégrante de leur existence, qu’ils n’ont rien connu d’autre. Elle est presque une donnée parmi d’autres.

Les enfants sont lumineux dans leur acharnement à profiter du moindre instant et à toujours dégager le positif dans leur micro-entourage. C’est ainsi qu’une chambre d’hôpital peut se transformer en un formidable terrain de jeu ou qu’un bourgeon de tulipe suscitera un émerveillement sans borne. Certains peuvent parfois rentrer chez eux et participer à des activités extérieures. La découverte d’une caserne de pompiers par un petit bonhomme aux joues rebondies est un vrai régal.

J’ai finalement peu pleuré, beaucoup souri et parfois ri.

Le film ne se « contente » pas de montrer les enfants heureux et laisse voir deux ou trois scènes difficiles avec les enfants qui pleurent. On ne sait pas non plus ce que sont devenus les enfants et par conséquent, on ne saura rien de la vie des parents « après ». Ces enfants et leurs familles ont décidé de « profiter de la vie tant qu’il y en a », ils ne rajoutent pas du malheur au malheur en s’empêchant de vivre en pensant uniquement à l’inéluctable.

Je suis sortie du cinéma avec le sourire et l’envie de profiter de la vie. Non pas en me disant que certains ont une vie plus dure que la mienne, mais avec la conviction que chacun « peut ajouter de la vie aux jours ».

 

17 commentaires sur « Et les mistrals gagnants… »

  1. C’est une belle phrase « ajouter de la vie aux jours. » J’aime beaucoup.
    Il y a le bouquin L’enfant Qui Ne Voulait Pas Mourir de Marion Shergold (je crois) que j’aime beaucoup, c’est une mère qui raconte le combat de son fils contre le cancer, j’adore.
    Dans un style différent il y a Un Rayon de Lumière de Danielle Steele 😊

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  2. Ajouter de la vie aux jours quand on ne peut pas rajouter de jours à la vie… Cette phrase me boulversé littéralement… J’ai revu Alabama Monroe il y a peu, et il m’a autant dechire le coeur en étant maman que dans l’attente en pleine Pma… L seule différence est que je me « consolais » en me disant qu’en ayant pas d’enfant, il était impossible que je vive un tel malheur… Comme toi, je pense que la perte d’une enfant est l’une des choses les plus insurmontables qui soit. Un couple de mon entourage a perdu sa fille d’un cancer à un an et demi… Jamais ils ne se sont plaint, ils ont toujours vécu l’instant… Avec un courage sans bornes.
    Je t’embrasse bien fort Simone… ❤️

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  3. Ce soir je me suis régalée à te lire. Tu mets merveilleusement en mots tes pensées. Et le sujet me touche particulièrement. Depuis que j’ai mon fils, la peur de le perdre ne m’a jamais quittée. Et même si aujourd’hui je le laisse partir seul en tram, rentrer seul de l’école, cela ne fait pas si longtemps que je ne vérifie plus comment il respire avant d’aller me coucher. La vie est fragile, je ne le sais que trop.
    Et quelle belle conclusion tu nous offres! Oui il faut croquer la vie !

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  4. Tu me donnes aussi envie de voir le film, mais je ne sais pas comment je réagirais : dimanche on regardait le dernier épisode de Grey’s anatomy (ouais ça va, pas de commentaires lol), et il y a un petit enfant qui meurt « bêtement », et j’ai été saisie pendant dix bonnes minutes d’une peur dévorante de perdre H. (oui pas J., bizarre, hein ?). Franchement je n’exagère pas, je n’ai pas pu me concentrer sur la fin de l’épisode tellement j’étais mal (bon euh je n’ai rien raté d’important lol, je commence de toute façon à me lasser de cette série – bref HS) …
    En tout cas, c’est clair que cette peur est toujours là, sous-jacente, elle n’influe pas sur mon quotidien, je trouve, car je ne pense pas être une mère sur-protectrice, qui les empêche de monter à un toboggan un peu haut par exemple, mais parfois cette pensée surgit soudainement et me coupe le souffle pendant un temps plus ou moins long … Parfois je ne la ressens pas pendant des jours, des semaines, et parfois elle est un peu présente tout le temps, insidieusement …
    Mais qu’y faire ? Vivre c’est savoir que l’on va mourir un jour … et tu as tout à fait raison, la seule chose que l’on puisse faire, c’est d’en profiter au maximum, « vivre chaque jour comme si c’était le dernier » … A certains moments c’est plus difficile, mais nous nous devons d’essayer, en tout cas …
    Bises ma chère Simone … ❤

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  5. Je n’ai pas eu à vivre les dures épreuves de la pma. J’ai eu à me confronter à l’horreur de la réalité de la perte d’un enfant. Je trouve admirable d’avoir réalisé un film sur ce sujet car c’est tabou, mais je n’irai pas le voir car je n’en ai pas la force.
    J’imagine que si on ressort de la pma les mains vides après des années de combat, il faut aussi faire le deuil d’un enfant espéré, certes qu’on a pas connu mais imaginé.
    Je me surprends à lire les articles de ce blog, car plus que le témoignage d’un combat, c’est bien plus; beaucoup d’articles variées, une réflexion créatrice qui meuble l’attente, sur le sens de la vie.

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    1. Bonjour, je vous remercie de votre commentaire. Effectivement, la perception d’une œuvre dépend du vécu de chacun et on ne va pas voir un tel film sans y réfléchir avant et sans en ressortir marqué.
      Je suis allée sur votre blog et je me permets de vous faire part de ma compassion face au drame que vous connaissez…

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