Simone et la puissance de l’hippopotame violet

Lorsque j’ai quitté le foyer familial pour poursuivre mes études, mes frères et sœurs m’ont offert un porte savon en plastique violet en forme d’hippopotame. Depuis toutes ces années, il me suit au gré de mes déménagements. La couleur est passée et il devient difficile à nettoyer parfaitement car des morceaux de savon sont incrustés dans les replis de l’animal.

Hier, j’ai voulu me débarrasser de cet hippopotame fatigué qui jure avec la déco de la salle de bain. J’ai saisi l’animal par le colbac et me suis penchée à côté du lavabo vers la poubelle pour le jeter. Pourtant, mon bras s’est arrêté dans son élan, répondant à mon pied qui ne voulait pas actionner la pédale d’ouverture de la poubelle. Était-ce l’objet lui-même ? Était-ce la sensation physique d’être courbée de biais au-dessus du lavabo ?

Toujours est-il que j’ai retrouvé la sensation de porter ma petite nièce il y  quelques années au-dessus de ce même lavabo pour l’aider à se laver les mains : mon bras gauche replié autour de son torse, ma main droite actionnant le robinet et l’aidant à se savonner. Ce jour-là, elle avait réclamé à plusieurs reprises de pouvoir se laver les mains, tellement fascinée qu’elle était par l’hippopotame violet. Ses petites mains potelées, ses cheveux tout fins, l’odeur de sa peau, tout m’est revenu d’un seul coup : en mémoire et en sensation.

Alors, munie d’une petite brosse, j’ai nettoyé avec soin l’hippopotame violet, je l’ai séché, puis rangé dans une boîte.

Puisse t-il un jour retrouver le contact de petites mains potelées.

 

Rébus