La notion du temps qui défile est toute particulière pour les femmes infertiles dont le tic-tac de l’horloge biologique résonne de façon si insupportable qu’il est parfois impossible de profiter des petits bonheurs de la vie.

En fonction des aléas et du stade du parcours, que l’on soit dans l’attente d’un énième examen ou en plein dans un protocole de stimulation, l’attente nous apparaît désespérément vide (verra-t-on le bout du tunnel un jour ?) ou alors pleine de tensions aux sentiments mêlés (ce protocole plein d’espoirs aboutira-t-il positivement ?).

Par nature, je ne m’appesantis ni sur le passé, ni sur le présent, j’ai toujours eu cette tendance à penser à l’après, à anticiper sur les possibles pour me ménager toujours une porte de sortie en cas de difficulté. Mépriser le présent par le rire (le cynisme ?) pour mieux envisager l’avenir. Ce travers de caractère n’est pas forcément très agréable à vivre au quotidien mais je réalise qu’il m’a permis d’éviter de sombrer dans le désespoir profond ces dernières années.

J’arrive au bout de ma 29ème semaine d’aménorrhée. Cette donnée factuelle me semble étrangement extérieure quand je repense à la manière dont j’ai vécu ces derniers mois. Après un premier trimestre, troublé par le décollement du placenta, à espérer qu’Edgar s’accroche durablement,  après un second trimestre à douter de moi-même à cause de ce foutu tri-test et du DPNI, j’ai attaqué la dernière ligne droite plus sereinement.

Je peux dire désormais que je porte  un futur bébé : ce ne sont pas seulement des petits coups que je ressens mais un vrai corps en gestation qui se tourne et se retourne au fur et à mesure de la journée. Rien que de l’écrire ici, j’en ai des larmes aux yeux tellement ce phénomène m’apparaît miraculeux.

Alors que j’ai passé des années à vouloir accélérer le temps pour être enfin le jour de l’hystéro-machintruc, pour voir enfin J1 débarquer (sic) afin de démarrer un protocole, pour être enfin à DPO14 et faire le test, pour avoir enfin le rendez-vous qui décidera de la prochaine tentative, etc, etc, je m’essaie à présent de goûter au quotidien, sans trop me projeter.

Au niveau matériel, rien n’est prêt pour accueillir Edgar. La chambre n’est pas vidée de son bazar, les affaires de puériculture que l’on nous a données ne sont pas déballées, nous n’avons pas fait la liste du matériel indispensable pour savoir ce qu’il faut encore se procurer. J’avais décidé d’attendre septembre pour ce faire. Il paraît que c’est déjà dans 2 jours.

Autre preuve de mon laisser-aller domestique : je m’exerce avec bonheur à diminuer mon niveau d’exigence sur la gestion du linge et repasse de moins en moins de trucs. Les lecteurs les plus assidus de ce blog sont à même de mesurer la nature profonde de ce chamboulement (pour la fille qui a toujours pensé à étendre ses machines avant de se pointer aux urgences pour cause de suspicion de grossesse extra-utérine ou fausse-couche).

Pour tenir durant les plus de 8 ans de tentatives, je me suis habituée à me projeter sur un ailleurs et sur un autrement (les fameux plans B, C…Z) sans m’appesantir sur le temps présent.

Depuis cette 3ème FIV miraculeuse, je goûte l’achèvement de chaque journée comme une victoire : tous les soirs, je prends quelques minutes en musique douce pour marquer ce progrès d’avoir tenu un jour de plus. Mes coachs de l’ombre m’avaient envoyé un calendrier à colorier en début d’année. Depuis le jour du transfert, je m’applique à colorier quotidiennement la page du jour. Je mesure le chemin parcouru avec la pile qui s’élève.

Coin-coin toujours fidèle au poste

J’apprécie chaque semaine qui passe comme un cadeau de la vie : encore une case à colorier et le patchwork prend forme.

j’ai tablé sur 40 SA parce que c’était plus pratique pour tracer les rectangles

Mes unités de temps sont la journée et la semaine. Il paraît que dans le monde des fertiles, les grossesses se comptent en mois. Dans les livres de puériculture, on peut même apprendre qu’une grossesse dure 9 mois.

Je réalise qu’au bout de ces 9 mois, sonnera l’anniversaire des 9 ans de nos débuts de tentatives. 1 mois de grossesse pour chaque année de tentative et la boucle sera bouclée.

Mais je me projette… revenons au temps présent : bientôt le début de la 30ème semaine d’aménorrhée. Sacré chemin parcouru, sacrée victoire, sacré miracle.

 

44 commentaires sur « La routine du temps qui passe »

  1. J’admire ton esprit d’esprit après un parcours long et difficile. Je te souhaite une bonne fin de grossesse. Pour la chambre, pas de doute, vous aurez un jour un déclic 🙂

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  2. J’admire ta sérénité ! Je dirais même, j’envie ta sérénité ! J’étais beaucoup plus tendue et stressée. Et pourtant j’avais une écho par mois et le dernier mois un monito par semaine, mais on avait beau me dire que tout allait merveilleusement bien, alors que j’étais détendue pendant ces moments là, je ne pouvais m’empêcher de me dire, ça va bien à ce moment T, mais dans une heure ?
    J’etais incapable d’imaginer une fin heureuse. Enfin, presque, et je m’efforcais de le faire vivre, de lui donner une réalité en achetant ce fameux matériel de puériculture et ses vêtements.
    Je remercie encore ma psy, ma sage-femme et mon gyneco d’avoir eu cette patience et cette compréhension envers moi !

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    1. Les 2 premiers trimestres j’ai été mortifiée à l’idée que tout pouvait s’arrêter et j’ai songé sérieusement à demander des échos + rapprochées. Puis j’ai compris que cela ne résoudrait rien et ne ferait que repousser la question à la minute où l’écho serait terminée… Mais c’est tellement difficile de ne pas tomber fin folle avec cette angoisse si terrible..

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  3. Quel bonheur de te lire dans cet état d’esprit… Tues large pour aménager la chambre.
    Je te souhaite encore de beaux jours colorés à venir et tu verras apèrs 40 semaines, ce sera encore plus coloré et merveilleux.

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  4. Superbe article …❤️ c’est la dernière ligne droite chère Simone, bientôt plus qu’une colonne du patchwork à colorier !😍 Bons préparatifs, c’est un grand moment …☺️😘

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  5. Mes loulous sont restés près de mon cœur quasiment 8 mois et ont déjà 9 mois… j’ai l’impression d’avoir été enceinte 20 ans alors que cela fait si peu de temps qu’ils sont la. J’ai ressenti la même chose que toi : la grossesse des pmettes se compte en jours et en semaine. Chaque SA de gagnée était un vrai baume au cœur, surtout passées 30 SA, qui est un cap très important pour moi (une amie a eu son fils à 30 SA et il va très bien). Bref Edgar, 40 semaines c’est parfait! As-tu prévu une préparation à l’accouchement (oui je sais c’est dingue!!!!)? J’étais alitée donc j’ai opté pour de l’hypnose avec une SF à domicile, Ça m’a fait énormément de bien (et psychologiquement et émotionnellement j’étais absolument incapable de faire les cours collectifs…).
    Pour le reste, step by step, les traumatismes ont la vie dure. Déjà que tu lèves le pied sur le repassage 😅😇
    Prends bien soin de toi ❤️😘

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    1. c’est exactement ça ! et pour moi qui enchaine sur une grossesse miracle, après deux obtenues par PMA, et bien c’est la même chose… quand on sait quel privilège on vit, à quel point ce bonheur et fragile, il n’y a pas de retour à la « norme »

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    2. J’ai opté pour la prépa collective à la maternité car j’ai besoin de sortir de l’isolement dans lequel m’a plongée la PMA. Je pense qu’il est important que je côtoie des gens « normaux » aussi pour me détendre et accéder à une forme de normalité qui sera essentielle quand Edgar sera là. Il aura besoin d’une mère détendue du splip (et non repassé le slip 😉 )
      gros bisous Carotte

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      1. C’est tout à ton honneur… ce que tu as écrit m’a énormément fait réfléchir car c’est clairement ce que je ressens : un vieil isolement, dans lequel j’ai glissé durant ces 7 années et dont finalement, malgre l’immense bonheur que je vis, je n’ai pas réussi à sortir. Je mettais Ca sur le dos de la gémellarite mais… peut-être que finalement…
        Tu viendras nous raconter 😘

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        1. Je plussoie pour l’isolement… pour nous au « peak » de l’infertilité et pendant la PMA, on était partis à l’étranger, alors on pouvait toujours mettre cet isolement sur le compte de l’expat (on se trouve toujours d’autres excuses!), mais clairement l’isolement et l’impact de la PMA je les ressens toujours, même plusieurs années après la naissance de ma p’tiote… j’imagine qu’il faut juste faire avec.

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            1. J’ai vraiment pris conscience de cet isolement cet été quand les gens rencontrés (amis, familles) m’ont posé des questions et ont voulu discuter de ma grossesse. Toutes ces interventions partaient d’un bon sentiment, or, je les ai vécues comme intrusives et j’ai voulu envoyer balader tout le monde. J’ai beaucoup de mal à parler de ma grossesse et j’esquive toute discussion sur le sujet. J’ai bien conscience qu’il me faudra changer de posture après la naissance alors je compte sur les séances à la maternité pour me sortir de ma sauvagerie !

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  6. Il est tellement serin cet article, ça fait plaisir!
    J’avais trouvé la grossesse interminable et j’avais qu’une hâte qu’elle se termine, celles des autres me semble toujours si rapide…

    Pour la chambre on l’a vidé et peinte vers 34 (et monter les meubles à 36…). Bref pas de stress tu est large (sans mauvais jeux de mots).

    Bisous.

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  7. C’est toujours un plaisir de te lire et c’est de plus en plus une joie!
    J’avais commencé à souffler au dernier tiers aussi pour Chispa et après ça s’est mis à filer à toute allure, rien à avoir avec l’interminable premier trimestre.. J’ai adoré le dernier trimestre.
    Je te souhaite de belles semaines à venir. Des bises

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  8. C’est un bien joli article – avec des illustrations zen et colorées au top.
    Je suis d’accord avec Grumpy: pas d’urgence pour la chambre et peu de choses sont réellement indispensables. Quelques couches et de quoi l’habiller serait bien 😉 , surtout qu’il doit arriver pas loin de l’hiver, mais pour le reste tu peux voir au fur et à mesure de tes/ses besoins (il peut toujours dormir avec vous au début, c’est ce qu’on avait fait même si ce n’était pas prévu et c’était top; il peut être lavé dans le lavabo les premières semaines; tu peux opter pour le biberon au dernier moment si tu décides de ne pas allaiter et tu en trouveras de quoi en préparer dans toutes les pharmacies;…).

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      1. Tu peux aussi tenter « l’hygiène naturelle infantile », il parait que ça existe (ça doit même être la norme en moyenne sur la planète je suppose) et puis ça réduit sensiblement les déchets c’est trop bien, mais alors un pot pourrait t’être utile 😉

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  9. J’allais dire la même chose que Kaymet! Au final on s’encombre de pleins de choses soit inutiles, soit donc on peut se passer momentanément. Donc pas de stress à ce moment-là, ce qui sera prêt le sera et si tous les petits vêtements ne sont pas repassés OSEF (dit celle qui ne repasse jamais rien ou presque!)

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  10. Chère Simone, comme je partage et comprends ta manière de vivre ta grossesse. .. A la fois comme un immense miracle chaque jour renouvelé, mais également comme une nouvelle étape gagnée chaque même jour qui passe. Et en mode « sauvage » 😉, c’est clair, même s’ il est vrai que cela isole beaucoup…
    Je t’embrasse fort 😚.
    Some day

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  11. C’est toujours un plaisir de te lire chère Simone. Si jamais tu fais un tour au Monop’, il y a dans la nouvelle collection un TShirt portant le message : Bravo Simone. Ca m’a fait penser à toi. Dommage qu’ils ne l’aient édité qu’en noir, parce qu’avec les lunettes roses que tu portes en ce moment, ce n’est pas la bonne couleur pour toi. Continue de profiter à fond Momone !

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