Pourquoi ne parlons-nous pas de notre infertilité à nos proches?

A nos familles car la mienne a connu suffisamment de traumatismes concernant la santé pour en remettre une couche. Je veux les préserver.

A nos amis car nous voulons nous protéger des jugements et des RALC.

Et puis, je suis pudique. Comme si étaler mes problèmes allait les amplifier. Moins les gens sont au courant, plus j’ai la liberté de mener ma vie sans être « l’infertile de service ».

De rares copines sont au courant, elles se comptent sur les doigts de la main de quelqu’un à qui on aurait amputé des doigts.

Une sait pour la GEU, depuis 3 jours. On avait rendez-vous pour en parler sur skype à midi, elle ne pouvait pas avant. Je me suis connectée à 11h55. J’attends encore. Pas de message. On se connaît depuis 17 ans. J’ai toujours été là pour éponger ses peines de cœur.

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A part ça, pour notre entourage, nous sommes donc un couple de bobo jouisseurs qui a la chance d’avoir un budget loisir important, car pas d’enfant.

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Alors que notre loisir n°1, c’est la PMA

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L’autre soir, une fois installée dans la chambre à la clinique, j’ai envoyé un tweet à la mer. Et il a été repris. Des gens que je n’ai  jamais vu – sauf très rares exceptions à l’AG BAMP – dans la vraie vie m’ont soutenue durant toute l’hospitalisation. Des blagounettes, du soutien, de la révolte, du courage, des baisers virtuels. Une fois le 1er billet  « GEU » posté sur le blog, j’ai eu beaucoup de commentaires, des courriels, provenant de blogueuses et de « lectrices de l’ombre ». Toujours très bienveillants, attentionnés, profonds, sincères, humains.

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Aujourd’hui, je me suis habillée. Je suis sortie, j’ai ouvert la porte d’entrée pour accéder à la boîte aux lettres. Surprise, parmi la pub : un colis à mon nom. Une bonne fée copinaute m’a envoyé un cadeau, une BD, pile poil ce qu’il me fallait en ce moment. A croire qu’elle me connaît mieux que celles avec qui j’ai éclusé tant de bières. Larmes de joie devant cette si belle surprise. Je suis toute chamboulée par cette très délicate attention.

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J’ai fini par appeler la PMA. Pour avoir le fin mot de l’histoire. Pour savoir pourquoi ils ne m’ont pas rappelée depuis le taux inquiétant de vendredi.

Dans l’objectif d’écrire notre courrier de plainte, j’avais besoin d’en savoir plus. De situer le niveau et le moment de la connerie. Parce que, entre :

  • la secrétaire qui ne donne pas les résultats au médecin,
  • le médecin qui n’inscrit pas le sujet à l’ordre du jour du staff,
  • le staff qui s’en fout,
  • la personne qui doit me rappeler (médecin, sage-femme ou infirmière) et qui oublie de le faire,

les responsabilités sont différentes.

Je veux pouvoir viser juste et appuyer là sur l’endroit exact de la merdouille : problème organisationnel / existence d’un sale con quelque part / erreur administrative toute bête.

Il ne s’agit pas pour moi de sulfater un individu mais je veux interpeller sur les éventuels dysfonctionnements d’un système pour participer à son amélioration. Alors, il faut au préalable poser le bon diagnostic.

Les_Bisounours
Simone pense que les gens sont bons par nature, que c’est le système qui peut être mauvais. En dépit des gens.

Après 30 minutes de tentatives, j’ai fini par tomber sur autre chose qu’un répondeur. La même secrétaire que vendredi après-midi. Je me suis rappelée à son bon souvenir, vous savez la pénible que fait que de vous appeler depuis 1 mois et demi pour se plaindre de son mal au bide. Je lui ai demandé de m’assurer que les résultats avaient bien été transmis au médecin. Elle m’a redemandé mon nom et est allée chercher le dossier.

Et là, vous qui commencez à me connaître, vous savez que j’ai l’imagination fertile (mouhahaha), mais ce qu’elle m’a dit dépasse tout ce que mon cerveau malicieux pouvait échafauder.

Mais alors vraiment.

Carrément que je lui ai fait répéter 3 fois.

Tellement je croyais qu’elle donnait dans l’humour.

Noir.

L’humour.

Dans l’humour noir.

Oui oui, le médecin avait bien pris connaissance du résultat.

Il y a 2 jours.

Sur le fax du labo, à côté du taux, il a écrit une mention avec sa petite main.

Puis, il a refermé le dossier.

Et il a dit à la secrétaire que ce n’était pas la peine que quelqu’un me rappelle.

La secrétaire me l’a lue au téléphone, la mention.

2 mots.

Qui me font tant rêver depuis 7 ans.

« Grossesse naturelle »

En langage de tribunal administratif, on appelle ça une erreur manifeste d’appréciation.

Et moi qui quelques lignes plus haut ne voulait sulfater personne…

Brave et naïve Simone, tu ne te sens pas un peu coconne sur ce coup-là avec tes bisounours , ouais, hein, oh ?

Comme si je venais de recevoir un coup de poings dans l’estomac (en tout cas, j’imagine que ça fait ça quand on en reçoit un).

J’ai conservé mon calme et je lui ai brièvement résumé mon week-end à la clinique en lui expliquant qu’à l’heure qu’il était, ma trompe n’était pas encore sauvée.

J’ai raccroché et je me suis effondrée.

Ah ça, le courrier, il va être salé avec toutes ces larmes.

Donc de deux choses l’une :

  • soit, je suis vraiment enceinte et le gynéco ne juge même pas utile de m’en informer, se disant certainement qu’au bout de 9 mois, la petite cervelle que je suis finirait bien par se rendre compte de quelque chose.
  • soit, il y a un blème et… le gynéco ne juge même pas utile de m’en informer.

Bref : pile, je perds et face, je ne gagne pas.

Et puis la source a fini par se tarir.

J’ai repris place confortablement sur le canapé : une bien jolie BD m’attendait. Elle m’a redonné le sourire.

cervelle
Nan, on va lui écrire une lettre. C’est mal la violence.

123 commentaires sur « Solitude très bien entourée -Erreur manifeste d’appréciation »

  1. Bonjour,
    Je suis votre blog et j’apprécie beaucoup votre style même si je suis désolé que l’infertilité soit la raison principale de votre écriture.
    Je ne suis pas concernée par la PMA mais j’ai connu une geu. La différence majeure dans mon cas c’est que j’ai rencontré des problèmes pour concevoir un 2ème et non pas un premier enfant (que je n’ai toujours pas d’ailleurs).
    Je me souviens de la douleur physique insupportable de la geu, de l’opération en urgence. J’ai eu la chance de conserver la trompe.
    Contrairement à vous, j’ai été prise en charge rapidement et surtout avec beaucoup d’humanité. J’ai connu aussi les prises de sang toutes les semaines jusqu’à ce que le taux baisse (parfois très vite et ensuite pratiquement pas). Je pense que je me souviendrais à vie de cette douleur et de cette peur de mourir mais l’humanité de mon gynécologue et l’ensemble de ses explications m’ont beaucoup apporté.
    Mon suivi a été exemplaire, j’espère que vous trouverez le même ailleurs évidemment.
    Je ne suis que bac +2 par contre 🙂
    Je vous souhaite beaucoup de courage pour ce parcours.

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    1. Bonjour b, lje suis désolée que vous ayiez vécu ce trauma… le suivi dont je bénéficie à la clinique est très bon, je suis donc désormais pleinement rassurée. Mais tant que les taux n’auront pas franchement diminué, on n’écarte pas encore totalement l’opération… merci beaucoup de votre soutien.

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  2. J’avais reçu la même réaction…on m avait même dit qu il ne s’agissait pas de l’embryon qu on m avait transférée mais d une grossesse miracle qui s’était produit en même tant que le transfert . Ha ha ha ha ..ils ont trop peur…des procédures ! Courage

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  3. Nan mais il faut absolument qu’on se ligue pour arreter ce connard de gynéco! Il croit qu’il va s’en sortir comme ça. Je propose mon aide pour rédiger la lettre. Tu as mon mail par le biais du formulaire de commentaire. Nan vraiment ça me vénère Simone, tu peux compter sur mon énergie!
    Biz

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