Ce billet pourrait commencer par ce mots : « C’est un remaniement ? » _ « Non, citoyenne, c’est un reniement ! ».

La semaine dernière, j’ai particulièrement suivi les rumeurs puis le remaniement gouvernemental en lui-même dans mon secteur professionnel. Sur le coup, j’ai simplement noté que Marisol TOURAINE perdait le volet « droits des femmes ». Puis, une fois l’actualité chaude traitée par les radios et les dépêches d’agences, j’ai réalisé brutalement le titre exact du portefeuille de Laurence ROSSIGNOL. La distinguée ministre se voit confier le maroquin de « La Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes ».

Après le KKK, voici le FEDF

Si les Allemands ont le KKK ou Kinder-Küche-Kirche (enfants, cuisine, église) pour évoquer la zone « d’autonomie » des femmes, les Français on désormais le FEDF (famille, enfance, droits des femmes).

Diantre. La Manif pour tous en a rêvé, le Président de la République l’a fait. Tout simplement incroyable.

Il s’agit d’un retour en arrière douloureux et humiliant pour tout ceux qui se battent pour l’égalité réelle, la vraie. En tant que jeune femme qui se démène au quotidien pour avoir sa place dans le monde professionnel et qui désire tant connaître le bonheur de la maternité, je me sens insultée et salie. Les hommes aussi peuvent à juste titre se sentir abaissés et ramenés à leur statut de chasseurs de mammouths préhistoriques.

tablier
à rendre de toute urgence

Pourquoi ce ministère est un scandale

De même qu’il y a la Sainte Trinité catholique «Père-fils-Saint Esprit », il y aurait un tiercé gagnant « famille-enfance-femme ».

Pourquoi pas « famille-enfance-sports », « famille-enfance-agriculture » ou « famille-enfance-écologie » ? Non, on ramène bobonne à la maison. Dans la sphère privée, intime, celle qu’elle n’aurait jamais du quitter.

Toute le monde y perd dans l’histoire : les droits des femmes sont réduits à la famille et l’enfance. Mais la famille et l’enfance sont considérées par le prisme des droits des femmes. C’est oublier les différents modèles familiaux et surtout occulter l’importance de la mixité dans toutes les sphères sociales de la vie de tout un chacun. Messieurs, vous qui aspirez à vous investir dans votre famille et auprès des enfants, passez votre chemin…

Quel recul !

Pourquoi les droits des femmes doivent mériter un ministère plein et entier

Accoler les droits des femmes à la famille et à l’enfance réduit la portée générale des droits des femmes. Dans le premier gouvernement du quinquennat, Najat VALLAUT-BELKACEM était ministre en charge des droits des femmes et porte-parole du Gouvernement. Portefeuille unique car il s’agit d’une question qui irrigue tous les secteurs et qui concerne tout le monde, hommes et femmes.

Regardez autour de vous combien les politiques publiques – à tous les niveaux, national comme local – sont conduites par et pour les hommes.

Par les hommes car les portefeuilles stratégiques sont majoritairement confiés aux hommes. Allez voir dans votre conseil municipal, départemental ou régional la répartition des délégations entre les hommes et les femmes. Bien souvent les hommes disposent des finances, de l’urbanisme, du développement économique et les femmes de l’éducation, la culture ou encore des personnes âgées. Celles-ci sont dépendantes des premiers pour obtenir les structures et les moyens nécessaires à la conduite de leurs actions.

Pour les hommes car les moyens sont alloués à des activités qui les concernent. Allez voir à quoi sont destinés les subventions jeunesse et sports de votre commune. Stages sportifs pour les garçons, terrains de jeux synthétiques occupés par les garçons en majorité, camps d’ado destinés prioritairement aux garçons pour « canaliser leur énergie ». Les filles ont moins de place car on leur octroie moins de place dans l’espace public.

Personne n’a décidé consciemment que les filles devaient disposer de moins de moyens et de moins de places. Les choses sont insidieuses. Depuis la naissance, on s’attend à ce qu’elles soient plus douces, plus attentives, plus calmes. Alors, les rôles projetés inconsciemment par la société finissent par s’incarner et les politiques publiques sont le reflet de cette défaite culturelle.

C’est un fait, on rémunère mieux les analystes financiers que les professionnels du soin qui s’occupent de l’enfance et des  âgées. Pas de bol, ces derniers sont très majoritairement des femmes.

Le combat pour les droits des femmes touche à toutes les sphères : économie, finance, travail, santé, écologie, sécurité, etc, etc. Mener ce combat c’est améliorer la société et le vivre ensemble pour tous.

 Ne pas confondre :  bonbonne et bobonne

Pourquoi il faut continuer à se battre 

D’après moi, le féminisme a nécessairement une portée universelle dans le sens qu’il constitue une lutte contre les déterminismes quels qu’ils soient : sociaux, sexuels, territoriaux… La summa divisio hommes/femmes emporte en effet toutes les fragmentations.

Pour affirmer leur liberté de femmes, certaines féministes des années 1970 ont du abandonner leur aspiration à la maternité ou revendiquer le fait de ne pas avoir d’enfant. La maternité attachait les femmes au foyer, les empêchait de s’épanouir dans d’autres sphères, notamment celle du travail.

Désolée, mais en 2016, les femmes veulent tout et elles ont bien raison.

Il faut continuer à sa battre pour que les femmes – comme les hommes – puissent revendiquer toutes les libertés : avoir ou ne pas avoir d’enfant, avoir un travail, disposer de revenus suffisants pour vivre, vivre dans un logement décent, accéder aux loisirs et à la culture…

Nous avons TOUS besoin d’un ou d’une ministre chargé d’analyser et de déployer des politiques à la lumière de l’objectif de l’égalité femmes-hommes. Or, cette question de l’égalité entre les femmes et les hommes est trop souvent ramenée aux mêmes sujets alors qu’elle devraient constituer une grille de lecture de toutes les politiques.

Un exemple banal : pour des raisons d’économies, il a été décidé de réduire l’éclairage public de nuit dans les villes. Cette décision ne souffre pas a priori de remise en question car elle se fonde sur des considérations tout à fait nobles. Pourtant, elle me prive en hiver de mes activités le soir. Je n’ose plus m’aventurer seule en vélo au palais des sports pour suivre mon cours d’aquagym. Dans le noir, les insultes que je subis la journée prennent une dimension plus inquiétante. En plein jour, j’ose défier du regard les abrutis qui me considèrent uniquement comme des seins sur pattes (et qui donc eux, ne sont que des testicules montées sur phallus). La nuit, leur ombre obscurcit et aggrave la portée de leurs bêtises. Voilà : si les sujets d’urbanisme étaient abordés à la lumière de l’égalité femmes – hommes, certaines décisions seraient ajustées.

familleheureuse
mais rends-le boreal, au lieu de sourire niaisement!

Monsieur le Président de la République, vous m’avez profondément déçue, Madame ROSSIGNOL, vous m’avez désespérée d’accepter ce poste avec un tel périmètre. La simple perspective de vous voir vous pavaner ensemble devant les caméras le 8 mars prochain pour LA journée de la femme m’écœure d’avance.

De toute façon, ce soir là, j’ai aquagym. Peut-être que je pourrai y aller. Si mon mari m’accompagne.

22 commentaires sur « « On ne naît pas bobonne, on le devient » de remaniements en reniements »

  1. Très chouette discours qui fais réfléchir. Tout ceci passe totalement inaperçu . Heureusement que des femmes , comme Simone, réagissent à de tels choses.
    Au besoin je peux t’y accompagner à ton cours d’aquagym.,,, #dusoutienboreal

    Aimé par 3 personnes

  2. Subtile manière de rappeler à la femme qu’elle est une mère avant tout. Ton analyse sur le retour de la femme à la sphère intime est très juste. Des femmes elles-mêmes sont complices de ce retour en arrière ; peut-être, sûrement, par conservatisme et épanouissement dans la maternité mais aussi parce que le monde extérieur leur est hostile et fait peur. Oui c’est triste. Et inquiétant. A peine étonnant tant notre société régresse sur les avancées sociales. Quand je pense que nos copines espagnoles ont dû descendre dans la rue pour que ne soit plus évoqué le retrait du droit à l’avortement. Je rêve du jour où nous n’aurons plus besoin d’un ministère du droit des femmes tout court.

    Aimé par 1 personne

  3. Que certaines femmes choisissent d’être bobonnes, je le respecte, même si ce n’est a priori pas le choix que je ferais. Mais justement, bordel, qu’on nous laisse le choix de mener notre vie comme on l’entend sans être jugée ou discriminée !! Dans le fond, c’est surtout à la liberté qu’on devrait aspirer.
    Quant à l’équité, je ne sais pas quoi en penser. Je crois qu’on évolue dans une société où on voudrait que tout soit uniformisé alors qu’on devrait cultiver nos différences. Je ne parle évidemment pas des inégalités salariales hein ! Je me questionne juste sur cette propension qu’on a aujourd’hui de vouloir être tous semblables alors que paradoxalement on cultive l’individualisme…
    Bref, je m’égare. Non à un ministère réduisant la femme au statut de mère (les non mères ne sont donc pas femmes?), mais oui à un ministère « Enfance, FamilleS, humains » !! Bisous Simone et merci pour cet article.

    J’aime

    1. Dès lors qu’une femme fait un choix, elle n’est pas bobonne puisque celle-ci subit (encore faut-il que cela soit un vrai choix éclairé avec des alternatives acceptables).
      Après, sur l’aspiration à l’égalité, il ne s’agit pas d’uniformiser mais de lutter contre les déterminismes qui enferment les femmes dans des cases. Je me méfie du discours sur l’uniformisation qui est justement celui de la MPT… Il faut faire attention aux mots en ces temps troublés où les droits des femmes peuvent régresser très vite.
      La partie sera gagnée le jour où un homme sera installé au ministère des droits des femmes et lorsque des femmes auront des ministères régaliens sans que la presse ait besoin de souligner qu’elles sont justement des femmes. je t’embrasse ma Julys…

      J’aime

  4. Je suis d’accord avec toi qu’il ne faut pas réduire le statut de femme â celui de mere et qu’avoir d’ailleurs un enfant ne doit pas être vu comme u e fin en soi. Famille ne rime pas forcément avec enfant ni meme avec femme d’ailleurs. Ceci précisé, je ne suis pas d’accord avec toi sur le caractère forcément rétrograde de ce ministère. En effet, je pense qu’en droit, les problématiques famille, femmes (violences notamment), enfant vont souvent ensemble. Quel avenir pour la famille en cas de violences conjugales ? Comment protéger les enfants ?
    Tu vas me dire qu’il y a des hommes battus (et c’est vrai). Mais statistiquement, ce sont vraiment les femmes qui meurent de violences conjugales. Et on a beau vouloir une égalité des sexes, on ne pourra lutter contre ce qui est un fait : les femmes comme les enfants restent des personnes vulnérables. C’est un fait.
    Et je participerai avec plaisir â la journée mondiale de la femme le 8 mars prochain.

    J’aime

Laisser un commentaire