Durant les premières années de l’attente, Simone en a entendu des vertes et des pas mûres sur la voisine-de-la-belle-sœur-de-la-collègue qui après 6 IAC et 3 FIV négatives a eu un bébé comme ça, sans traitement. C’est connu : « Il suffit de partir en vacances et de ne plus y penser ».

Simone s’interroge : vraiment, elle a eu un bébé « Comme ça » ? Mais quelle position exactement ? Dans un lit Feng-shui ? Sur la machine à laver pendant l’essorage ? Et avec qui ? Le mari ? Le facteur ? Lune montante ou descendante ?

Il s’avère que beaucoup de MILK en C1 ou C2 ont des voisines-de-la-belle-sœur-de-la-collègue-qui… ou alors… à chaque fois, c’est la même co**asse de bonne femme dont il s’agit.

couetteOh la belle couette

Mon infertilité est inexpliquée : examens normaux pour Simon comme pour moi. Il y a bien le médecin de l’ancien centre PMA qui un jour nous a dit que ma trompe gauche était bouchée et au rendez-vous suivant, c’était la droite. Problème : il regardait le même cliché.

babarSpécimens de trompes fonctionnelles avec famille nombreuse (dont 1 adopté)

Le gynécologue du nouveau centre nous a fait refaire tous les examens qui ont confirmé que tuyauteries et gamètes étaient impeccables chez l’un comme chez l’autre. Donc infertilité inexpliquée. Inexpliquée ou inexplicable ? A y regarder de près, il y a des différences sensibles.

Le monsieur ne comprend pas

Le Petit Larousse édition 2001 nous instruit :

  • Inexplicable = adj. et n.m. Qui ne peut être expliqué ; incompréhensible
  • Inexpliqué = adj. Qui n’est pas expliqué, éclairci. Phénomène inexpliqué.

Dans un cas (inexplicable), il semble y avoir une impossibilité logique et physique d’expliquer. Dans un autre cas (inexpliqué), il s’agit d’un état qui peut évoluer vers une explication. Donc l’infertilité aujourd’hui inexpliquée peut devenir explicable, le jour où la science aura progressé par exemple. Un nouveau type d’examen décèlerait que le sperme de Simon est en réalité de la purée mousseline et que mes ovules sont des œufs Kinder© sans surprise à l’intérieur. L’infertilité inexpliquée ne relève donc pas du mystère, du mythe ou d’une hypothétique relation mal réglée avec la mère. C’est juste qu’en l’état actuel des connaissances, personne n’arrive à comprendre pourquoi cela ne fonctionne pas. Ou que depuis 72 cycles des petits lutins maléfiques viennent chaque mois bloquer la rencontre de ma superbe ovule très intelligente avec les spermatozoïdes de concours de Simon. Pourquoi me direz-vous? Ben pour empêcher que tant de perfection se reproduise, pardi !

Au bout de 3 ans d’essais, j’ai acheté le livre de Joëlle DESJARDINS-SIMON et Sylvie DEBRAS, Les verrous inconscients de la fécondité. L’une des auteures, Joëlle DESJARDINS-SIMON est psychanalystes et psychologue-clinicienne. Le bouquin décrit des cas où l’apport de la psychanalyse a permis de régler des situations de mal-être. L’infécondité (c’est le terme utilisé) serait « orchestrée par l’inconscient dans une dynamique de couple ». C’est-à-dire que malgré l’affirmation du désir d’enfant, certains couples « se rencontrent pour ne pas concevoir d’enfant ensemble ». Leur psychisme verrouillerait l’accès à la maternité et la paternité.

Pendant longtemps, je me suis raccrochée à ce bouquin comme Léonardo Di Caprio à sa planche de bois. Je ne voulais tout simplement pas admettre mon entrée dans le club des infertiles. C’était forcément de ma faute, c’était forcément dans ma tête que ça se passait (mal). J’ai procédé à une introspection en règle. Peut-être qu’au fond de moi en fait je ne le voulais pas tant que ça d’un bébé. Parce que je veux pour toujours rester la fifille à son Papa, parce que ma mère était soit parfaite soit mauvaise, parce que je ne veux pas grossir, parce que je ne veux pas grandir, parce que Simon ne sera jamais aussi fort que Papa, parce que je ne suis qu’une méchante égoïste qui veut vivre pour elle mais-qui-ne-l’assume-pas. J’ai tourné et retourné ces questions durant des nuits. Pleuré des litres de larmes, usé des montagnes de mouchoirs. J’étais décidément vraiment nulle de ne pas découvrir mes failles, de ne pas oser me dévoiler mes névroses.

J’ai fini par comprendre, qu’il n’y avait tout simplement rien à découvrir du côté psy et que la PMA était la solution. Attention, je ne dis pas que les psy sont inutiles pour les couples en PMA. Poser son sac, seule ou en couple, est une vraie nécessité parfois, pour dédramatiser la situation alors qu’on en « a gros ». De même, il y a des histoires familiales particulièrement lourdes qui doivent certainement peser sur la disponibilité psychique d’un homme ou d’une femme à se projeter en tant que parent. Dans notre nouveau centre PMA, la rencontre d’une psychologue est obligatoire avant d’entamer la FIV. Avec Simon, nous avons trouvé fort agréable d’avoir un espace de discussion pour aborder des sujets qui ne le sont pas avec le reste de l’équipe. Entamer une psychothérapie permet certainement de mieux vivre le parcours et de lever des blocages pour certains. Il ne faut cependant pas laisser dire et croire que les problèmes de fertilité inexpliquée sont réductibles à des verrous psychiques.Ce n’est d’ailleurs pas la thèse de l’ouvrage susmentionné.

J’ai mis des mois à rappeler le centre PMA pour prendre rendez-vous tellement j’espérais un miracle, tomber enceinte « naturellement ». L’entrée en PMA était devenue synonyme de déchéance, de handicap irrémédiable.

Je me souviens très bien, la 1ère fois, lorsque nous sommes arrivés au secrétariat de la PMA. La secrétaire a dit en prenant notre dossier : « Ah, oui, c’est bien pour une infertilité primaire, c’est ça ? ». J’ai acquiescé, la gorge nouée. Simon m’a regardée, complètement ahuri. En s’installant dans la salle d’attente, il m’a dit « Mais, elle s’est plantée de dossier la nénette, nous ne sommes pas infertiles… On va finir par avoir un bébé nous, c’est juste que ça va prendre plus de temps ».

On ne parle pas suffisamment du poids des mots, du sens différent qu’ils peuvent requérir pour les soignants, pour les patients, d’un patient à l’autre.

Alors voilà, je suis infertile, je suis en PMA, nous sommes infertiles, nous sommes en PMA. Infertiles comme un couple sur six. Pour certains, les blocages ont pu être identifiés, pour d’autres ce n’est pas (encore) le cas. Nos familles ne savent pas que nous sommes suivis en PMA. Seules des amies très proches (donc rares) le savent. Ceux qui nous ont sorti pendant des années les phrases qui font mal (« quand est-ce que vous vous y mettez ? », «  vous avez besoin d’un mode d’emploi ? », « il faudrait penser à enlever la capote, ha haha ») se sont tus peu à peu. Peut-être qu’ils ont compris. Peut-être pas. Parfois, j’ai peur de passer pour la fille égoïste, carriériste qui fait passer sa petite personne avant tout.

Longtemps j’ai eu mon stock de répliques toutes faites que je sortais en fonction des occasions. Pour ne rien laisser passer. Plus j’avais mal, plus j’allais dans le trash. Attaquer pour se défendre :

  • Mais voyons, je suis trop jeune !
  • Oh, j’ai bien le temps d’y penser !
  • Un gosse, mais pour quoi faire ?
  • Qui s’en occuperait ?
  • J’en ai plein mon congélo !

Et puis maintenant, je me tais. Je souris et je me tais. Un sourire pour dire « tout va bien Madame la Marquise, ta question ne m’atteint pas, je ne suis pas concernée, t’es bien gentil mais je n’y pense pas ». Un silence pour signifier que je ne souhaite pas engager la conversation sur le sujet.

C’est un fait, je ne supporte pas que l’on me dise que « c’est dans la tête ». Pourtant, je dois bien avouer mon ambivalence : je n’ai pas abandonné l’espoir du bébé miracle ; qu’il soit couette, canapé ou même local à poubelles. Et si mon infertilité inexpliquée se transformait un beau jour en fertilité expliquée ? Ce serait miraculeux non ?

pousseMiracle

Collégienne, alors que je suais sang et eau en cours d’allemand, redoutant d’être appelée au tableau et de me ridiculiser devant la classe entière, je me réfugiais dans les songes. Rêver qu’en réalité, j’étais super bonne, bilingue même. Que j’allais me lever, traverser les rangées de tables, me pointer devant ce prof sadique et me lancer dans une longue diatribe brillante et fluide en allemand. Depuis la 6e, je cachais mon jeu, faisant sembler de m’emmêler dans les déclinaisons, de mal placer le verbe. Alors qu’en fait, c’était une ruse pour mieux jeter mon talent à la face de tous le jour où je n’en pourrai vraiment plus. Même, je parlais bien mieux que le prof, qui n’avait plus qu’à s’incliner devant l’étendu de mon Savoir. J’étais vengée des humiliations subies. Et puis le réveil sonnait, il fallait se lever et filer sous la douche.

Je continue de rêver. Tous ces examens et traitements depuis des années, c’était juste pour amuser la galerie. Un beau matin, je vais me lever, tout envoyer balader, et hop! me retrouver enceinte.

Ma vie depuis 7 ans est la répétition sans fin d’un cycle de 28 jours.

Passé le coup sur la tête de J1, je me jette sur le calendrier pour visualiser les 4 ou 5 jours dits « fertiles ». Si ça tombe sur un week-end, c’est bonnard, c’est la fête du slip. Si non, tant pis, on s’organise. Généralement, j’arrive à J12, J13, J 14, J15 et J16 très fière de nous, le sentiment d’avoir mis toutes les chances de notre côté. A partir de J17, je sens des tiraillements dans le ventre, rien à voir avec mon orgie de chocolat, c’est la fécondation. Je supprime l’alcool et pédale plus doucement sur mon vélo. A J21, je regrette d’avoir mis une petite culotte noire qui masque les signes de la nidation. De toutes façons, cela fait une semaine que je tape dans gogole « syndrômes grossesses DPO 1, DPO 2, 3, etc. ». Je tombe sur les mêmes inepties du forum doctichose. Que je lis et relis attentivement tous les mois au lieu de les dénoncer à Bescherelletamere. De J 22 à J24 j’évalue la date de l’accouchement, que je recalcule avec toutes les méthodes possibles trouvées sur le net. A J25, les nausées se font de plus en fortes. Rien à voir avec ma belle-mère qui a encore cuisiné des tripes. A J26, mon masque de grossesse est de plus en plus visible malgré le fond de teint. Il faudra songer à changer de taille de soutien-gorge. A J27, je sors la crème anti vergetures. A J28, je trouve plus prudent de prendre le tram pour aller au boulot, une chute de vélo n’étant pas conseillée dans mon état.

Et ce pu*ain de J1 revient. Le salaud, il me prend en traître au petit matin d’une journée pro hyper importante. Pas le choix, il faut serrer les dents, prévoyante, j’évite tout de même le mascara. Le soir, même pas la force de pleurer, le rituel est installé : on sort une bonne bouteille. Noyer l’échec dans du bon picrate après 2 semaines d’abstinence paraître être la seule réaction sensée.

IMG_0657Notre salon le matin de J2

Puis je me jette sur le calendrier pour visualiser les 4 ou 5 jours dits « fertiles ». Si ça tombe sur un week-end, c’est bonnard, c’est la fête du slip. Si non, tant pis, on s’organise. Généralement, j’arrive à J12, J13, J 14, J15 et J16 très fière de nous, le sentiment d’avoir mis toutes les chances de notre côté. A partir de J17, je ….etc, etc.

http://dai.ly/x3wbzp

La marmotte est une fieffée salope

Je souhaiterais parfois avoir une infertilité expliquée en gros, en gras et en couleurs plutôt qu’une hypothétique fertilité miraculeuse qui n’arrive pas.

Cette légende de bébé miracle est un supplice chinois.

36 commentaires sur « La légende du miraculeux bébé couette »

  1. L’infertilité inexpliquée c’est vraiment dur (j’en sais qqch à ma petite échelle), parce qu’on sait pas contre quoi on se bat et on peut même pas donner une raison « valable » a tous ceux qui nous disent que c’est dans la tête…

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  2. Il me rappelle tout plein de choses ton post… en infertilité inexpliquée, j’ai aussi longtemps traîné des pieds avant d’accepter la PMA, et me suis ‘accrochée’ à différents bouquin, dont celui de Joëlle DS. Alors je te souhaite que la suite se ressemble aussi: après les années galères (7 ans, aussi…, enfin si j’occulte les essais avec mari #1), dont échec des IACs et de FIV1, FIV2 a été la miraculeuse. Maintenant c’est à ton tour!
    (Et pour ce qui est du bébé couette, je continue toujours à l’espérer quand même…)

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  3. Pour ma part il y a une « raison ». Pour autant, je sais que certaines OPK font des bébés couettes du coup… J’ai longtemps eu le même mode de schéma que toi.
    Maintenant je crois que j’ai accepté définitivement que mon premier ne sera pas un bébé couette mais je sais déjà que j’y croirais pour bébé2…

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  4. Je suis d’accord avec toi, l’infertilité inexpliquée il n’y a rien de pire je trouve. Je sais que ça fait longtemps que je ne regarde plus mes cycles, que je ne programme plus de galipette à des jours précis. Les miracles c’est pour les autres et dans mon cas plus particulièrement.
    Surtout que vous devez avoir 10 fois plus de RALC du coup parce que vous ne pouvez pas expliquer. Et puis les cousines des cousins de la voisines qui a connu un miracle est souvent parmi les infertilités inexpliquées ou masculines alors évidemment vous aussi ça va marcher un jour naturellement ….
    Mais non tu n’es pas handicapée, pas plus que nous toutes.

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  5. Il faut que les gens comprennent qu’on a besoin de psys non pas pour nous « débloquer » mais pour nous soutenir dans ce parcours difficile… c’est l’infertilité qui attaque le cerveau pas le cerveau qui attaque la fertilité…
    Bon faut juste pas tomber sur la mère Monique tu connais Monique ?

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  6. Je découvre ton blog a l instant et mon dieu que tout ça m horripile !!!!!!!! Pour moi les infertilités « inexpliquées » sont tout simplement des infertilités dont les médecins n ont pas réussis à trouver la cause mais elle existe bel et bien boréal !!!! Dans qq années ce dont toi ou/et ton mari souffre aura un nom juste car la science avance et réussis à expliquer certains trucs . Ça s appelle la recherche !!!! Grrrrrr je hais les réflexions de m…..des gens qui n y connaissent rien !!!!
    Au bout de 6 FIV + un ange au ciel parti a 22+6 des gens me sortent « t inquiète pas tu es jeune ça marchera » euh quel est le rapport ? En tous cas je croise pour un bel avenir!!
    Bisous

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    1. oui, les gens se permettent tout un tas de remarques sur le sujet de l’infertilité qu’ils ne font pas sur d’autres. On ne dit pas à quelqu’un en chaise roulante « t’as qu’a prendre des vacances et tu verras, la marche viendra toute seule ». Bon courage à toi! Bises

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  7. Oh que oui ça rend dingue d’être en fertilité inexpliquée… on a aussi attendu quelques années avant de se lancer mais on a été moins patient que toi. Il a tout de même fallu que l’idée fasse son chemin, d’abord dans ma tête puis dans celle de Monchéri…. quand au bébé couette, Monchéri est tellement saturé des rapports « programmés » qu’on ne tente même plus….

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  8. Oh là là, à 9DPO, Les Verrous inconscients de la fertilité sur ma table de chevet, à googliser les symptômes de la nidation, que ce que tu avais écris me semble juste… J’y crois encore à ce miraculeux bébé-couette; enfin, par superstition j’évite d’y songer, ça pourrait le faire fuir, celui qui s’implante chez les infertiles inexpliquées que quand elles cessent d’y penser… Comme tant de gens bien intentionnés aiment à nous le rappeler.

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  9. Ton blog, que je parcours aujourd’hui, me touche. Je laisse un petit com’ sur une page au hasard. Mais est ce vraiment un hasard. Ton texte me touche. Je ne traverse pas les memes difficultes que toi mais je connais ce refrain, cette idee qu’on aime entretenir aupres des des couples en difficultes de procreation « ceux la tout d un coup, ca a marché ». Ben tiens…

    Bonne continuation!

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  10. Ah, comme je comprends, même si nous, nous avons des causes bien déterminées : OPK, endométriose (dont trompe bouchées), infertilité masculine. Et malgré ça, il y a encore des gens pour nous parler du miracle de la soeur de la voisine de la collègue qui pourrait bien nous arriver !

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    1. c’est incroyable ce que se permettent les gens avec l’infertilité, ils ne se permettent pourtant pas de donner des conseils avec des maladies comme le cancer, et heureusement! Mais comme tout un chacun aspire à avoir des gosses, chacun se croit légitime pour sortir sa bêtise…

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